Adrien Zhang, itinéraire d’un outsider
Exposition de photographies à l’Espace culturel Robert-Doisneau (Meudon).
Naviguer dans les eaux de l’entre-deux, Adrien Zhang a appris à le faire très jeune. Né en 1984 à Liupanshui, dans la province du Guizhou, en Chine, Yinchengshuo Zhang a grandi dans une ville de mineurs, au bord de la faillite.
Différent des autres enfants, il peine, malgré lui, à s’intégrer dans une société qui rejette ce qu’il est. D’emblée, il se perçoit comme un outsider. D’emblée, il sait que pour devenir ce qu’il est, il lui faudra s’arracher à ses racines.
Il se fait alors la promesse de partir un jour loin de chez lui, le plus loin possible, en quête d’un endroit où il pourra devenir librement ce qu’il est et faire de sa vie ce qu’il en rêve. Car le jeune Yinchengshuo sait très tôt ce qu’il veut faire : être journaliste.
Première étape de cet affranchissement : l’université de Pékin, où sa perception du monde et des autres s’élargit tout à coup. Il découvre alors qu’il y a des enfants qui, comme lui, n’ont jamais quitté leur ville natale tandis que d’autres ont déjà parcouru le monde et voyagé dans plusieurs pays. Il y décroche en 2008 une licence en journalisme qui lui permettra d’exercer ce métier pendant deux ans, d’abord pour le Southern Metropolis Daily, puis pour le site Internet sina.com.
En 2010, Yinchengshuo Zhang prend la décision qui va orienter le reste de sa vie : il quitte la Chine et part s’établir en France.
Pourquoi la France ?
Deux hommes l’y ont conduit, explique-t-il : Deng Xiaoping et Jules Verne.
Il change alors son prénom, modifie sa coiffure, adapte son style vestimentaire et apprend notre langue.
Yinchengshuo devient alors Adrien, un outsider naviguant dans l’entre-deux de deux cultures, attaché à l’une comme à l’autre, sans appartenir pour autant à aucune d’elles.
Comme il se plaît à le raconter, il parle aujourd’hui quatre langues (le chinois, le sichuanais – son dialecte natal -, le français et l’anglais), mais toutes avec un accent, y compris sa langue maternelle.
D’abord perdu dans ce no man’s land identitaire et culturel, Adrien Zhang va peu à peu y puiser sa force, sa densité et son originalité créatrice. Il va mener ainsi une carrière brillante : d’abord manager commercial pour les hôtels de luxe Marriott en France, il devient directeur de la stratégie média chez Publicis, avant de fonder sa propre société Wooyart, spécialisée dans l’accompagnement des entreprises française désireuses de s’implanter et se développer en Chine – toujours dans l’entre-deux.
Surtout, Adrien Zhang va se forger sur ces terrae incognitae une nouvelle identité, libre de toute appartenance, de tout jugement et de tout cloisonnement : celle d’un observateur, d’un étranger qui scrute le monde, non pas du point de vue de sa propre culture, mais avec le regard de celui qui les embrasse toutes parce qu’aucune ne lui appartient vraiment.
Son travail photographique se fait l’écho de son parcours de vie : il s’insinue dans les interstices de la ville et de la vie pour surprendre, saisir et nous donner à voir les multiples bigarrures de notre société, avec le regard singulier de celui qui est à la fois partout et nulle part chez lui. Le regard d’un outsider né.
L’exposition d’une trentaine de photographies d’Adrien Zhang sera organisée en janvier-février 2025 à l’espace culturel Robert-Doisneau, à Meudon.
- Pour en savoir plus sur la collection d’Adrien Zhang : www.courtois-zhang.com